Route Bulle–Boltigen

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Au 19e siècle, les guides rivalisent d’emphase pour vanter la science de l’ingénieur triomphant des difficultés afin de forcer le passage vers une alpe paradisiaque.
D’ici, un coup d’œil d’une terrible splendeur… La route est perchée à gauche du gouffre au fond duquel, à une profondeur effrayante, on voit couler le torrent comme un léger fil d’acier poli…
En arrière, un paisible hameau avec sa petite chapelle blanche. Plus loin, le village et sa colline… En face, des arêtes déchiquetées...
La Gruyère. Excursion du Léman à l’Oberland bernois par la nouvelle route alpestre de Bulle à Boltigen, in L’Europe illustrée, 1881
Nous sommes à l’ère de la diligence. Il s’agit de doter l’armée d’un deuxième axe carrossable vers le Simmental pour parer toute invasion alors que la France crie à la revanche sur les Prussiens. La route sera donc stratégique, dotée de subventions fédérales, tout en reliant les grands hôtels bullois aux auberges et pensions charmeysannes.
Avant la construction de la route Bulle – Boltigen, il fallait 4 heures pour parcourir à pied avec un mulet les 12 km de Charmey à Bulle. L’ancienne voie passait au fond des gorges du Javro sur une passerelle en madriers. Par le chemin à travers la forêt de Bouleyres et le pont couvert en bois de 1854 à 28 m du lit du torrent, la diligence ne met plus que 2 heures et demie.
Pour la route Bulle – Boltigen, on démolit ce pont en bois qui était situé en aval de l’actuel Pont du Javro. Avec ses 70 mètres, il était le plus long d’une seule portée connu dans l’histoire. On bâtit à la place un pont métallique audacieux à 57 m de hauteur. Sur le tracé, les travaux se multiplient entre 1873 et 1881 : on lance un second pont métallique sur la Jogne à Broc, on corrige la montée de Bataille, on réalise un nouveau tracé sous les villages... La diligence désormais descend en une heure et demie (contre 20 minutes aujourd’hui en automobile).


En collaboration avec la commune de Val-de-Charmey